La notion de travail dans les revendications confédérales portées par la CGT et par la CFDT et ses traductions dans des négociations collectives d'entreprise
Benoit Scalvinoni  1, *@  
1 : Laboratoire lorrain de Sciences Sociales  (2L2S)  -  Site web
Université de Lorraine : EA3478
UFR Sciences Humaines et Arts Ile du Saulcy, BP30309, 57006 Metz cedex 1 France -  France
* : Auteur correspondant

Le projet de cette communication est d'interroger la notion de travail qui est défendue, dans la période récente, par les confédérations syndicales de la CGT et de la CFDT soutenant respectivement un nouveau statut du travail salarié (NSTS) et une sécurisation des parcours professionnels (SPP) et d'observer si celles-ci prennent corps dans l'entreprise, par la négociation collective.

Dans un premier temps, la communication analysera en détail ces deux revendications syndicales. Je rappellerai qu'elles se construisent, au début des années 2000 (Scalvinoni, 2013), en réponse à la dualisation et la précarisation de l'emploi. Il s'agit, pour les deux syndicats, de doter les salariés de droits nouveaux pour sécuriser toutes les carrières professionnelles modernes y compris les parcours les plus précaires et/ou les plus instables. En recourant à l'outil idéal-typique (Weber, 1995), je montrerai que le NSTS cherche à maintenir la qualification salariale des individus quand la SPP cherche à maintenir leur employabilité. Plus précisément, je démontrerai que la notion de travail elle-même prend un sens différent dans l'une et l'autre des revendications confédérales. À la CGT, l'objectif est d'élargir la notion de travail pour ne plus la réduire à la seule activité salariée afin que toutes les périodes du parcours professionnel (y compris les périodes de chômage ou de formation) octroient un statut de salarié et ouvrent droit à un revenu et à des droits salariaux. Il s'agit de faire en sorte que les périodes éventuelles de non-travail ne soient plus des temps de remise en cause de la carrière professionnelle pour que, et par un effet de cliquet, celle-ci progresse de façon continue. À l'inverse, à la CFDT, la SPP fait du travail salarié l'épicentre de toute intervention. Le statut, le salaire, les droits de l'individu sont toujours subordonnés à son entrée, à son maintien ou à son retour dans l'emploi salarié. Pour le syndicat, il s'agit donc de développer des outils et des actions (formations, évaluations, etc.), soutenant une logique de discrimination positive à destination des publics les plus fragiles ou les plus inemployables, pour que tous les individus puissent toujours évoluer et se maintenir dans l'emploi salarié.

Ces deux revendications sont construites et promues avant tout au niveau confédéral. Dans un second temps, la communication cherchera à observer si ces revendications se diffusent et se matérialisent aussi dans l'entreprise par le biais de négociations collectives. Pour traiter ce questionnement, je m'appuierai sur l'analyse de deux accords de gestion des emplois et des compétences (GPEC) conclus dans des entreprises lorraines. Ces GPEC qui visaient la gestion de suppression d'emplois, sont jugées exemplaires, par les responsables syndicaux qui les ont pilotées, du NSTS ou de la SPP. Ce sont des accords collectifs « offensifs ». Profil des militants dirigeant les négociations collectives (Dufour, Hege, 2008), stratégies que ces derniers déploient (Berthoux, jobert, 2012) et forme typique de la négociation collective (Dugué, 2005) ont été autant de critères qui ont joué positivement sur la finalité du travail de négociation, des éléments que je décrypterai. Mais surtout, les mesures sociales et les dispositifs qui ont été négociés et validés au titre de chacun de ces accords de GPEC vont clairement dans le sens soit du NSTS, soit de la SPP. Comme je le démontrerai, des dispositifs innovant viennent traduire au moins partiellement les revendications portées par la CGT et par la CFDT. Et, à chaque fois, ils soutiennent en terme idéal-typiques une logique propre par laquelle le travail salarié est soit dépassé, soit l'objectif premier des négociations collectives.

Élodie Berthoux, Annette Jobert : « L'emploi en débat ? Dynamiques de l'action syndicale dans les entreprises en restructuration », La revue de l'IRES, n°72, numéro spécial « modes de gestion des restructurations », janvier 2012. 

Christian Dufour, Adelheid Hege : « Comités d'entreprise et syndicats, quelles relations ? », La revue de l'IRES, n°59, 2008.

Bernard Dugué : Le travail de négociation. Regards sur la négociation collective d'entreprise, Octarès, 2005.

Benoit Scalvinoni : Une analyse de l'expérimentation et de la diffusion en Lorraine des revendications syndicales de « la prise en charge des discontinuités d‘emploi » portées au niveau confédéral par la CGT et par la CFDT, Thèse de sociologie, Université Nancy2, 2013.

Max Weber : Économie et société, (Tome 1), Plon, édition de poche, 1995. 



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