Négociation individuelle et représentation collective des salariés en France et en Grande-Bretagne.
David Marsden  1, *@  
1 : London School of Economics  (LSE)  -  Site web
Houghton Street London WC2A 2AE -  Royaume-Uni
* : Auteur correspondant

Depuis quelques années, et dans plusieurs pays, la négociation individuelle des conditions d'emploi et des contenus du travail attirent un intérêt grandissant, en même temps que la négociation collective rétrécit. Dans la théorie de la gestion des ressources humaines, Rousseau et al (2005) mettent en lumière l'importance des 'i-deals' – les adaptations individuelles des conditions de travail négociées entre salariés et leurs supérieurs hiérarchiques immédiats. On constate aussi que l'individualisation des augmentations salariales, et les systèmes d'incitation à l'implication individuelle des salariés, vont de pair avec des systèmes d'évaluation de la performance et de fixation des objectifs au travail. Nombre de recherches tendent à montrer qu'évaluation et individualisation sont plus efficaces sur le plan de la motivation et de la performance si les salariés ont de l'influence sur le choix et la définition de leurs objectifs (par ex. Cawley et al. 1998). Ces politiques se caractérisent sans doute par une gamme assez large de degrés d'influence, mais il reste fort probable que nombre d'elles élargissent la zone de négociation individuelle.

 

Quel est le rapport des différentes formes de prise de parole individuelle à la représentation collective des salariés dans l'entreprise ? Selon la théorie traditionnelle anglo-saxone, ce sont des substituts, des voies rivales. L'utilisation intensive de la voie individuelle mine la solidarité qui entretient la mobilisation qui est nécessaire à la voie collective. En fait cette théorie suppose implicitement l'expérience des pays anglo-saxons où la forme principale de représentation collective repose sur l'accord de 'reconnaissance' ou de 'certification' syndicale négocié avec l'employeur. C'est cette expérience qui sous-tend la théorie de la négociation comme monopole bilatérale de Dunlop (1944), de Freeman et Medoff (1984), et des modèles 'd'accord efficient' et du 'droit à gérer' des économistes du travail depuis les articles pionniers de McDonald et Solow (1981) et de Nickell et Andrews (1983).

 

Malgré son influence sur la théorisation de la négociation collective, ce modèle occupe une position moins central dans nombre de pays du l'UE, où il coexiste avec des institutions qui reposent sur le droit des salariés à la représentation collective au sein de l'entreprise, notamment des comités et conseils d'entreprise et de délégués du personnel auxquels les salariés ont droit quel que soit leur pouvoir de négociation. Ce papier fait l'hypothèse que ces formes statutaires de représentation sont capables de fonctionner comme des compléments aux voies individuelles parce qu'elles ne dépendent pas de leur capacité de mobilisation, d'où leur possibilité de fonctionner en liaison avec, et même de renforcer les voies individuelles.

 

L'objectif de ce papier est de présenter une théorie de l'articulation des différentes formes de la négociation individuelle et collective, et de l'étayer par une analyse des résultats des enquêtes franco-britanniques REPONSE et WERS de 2010/10 et des enquêtes panel. Les résultats provisoires montrent qu'il y a un rapport contrasté de la négociation individuelle au délégué du personnel et au délégué syndical, de complémentarité dans le cas du premier, et de substitution dans le cas du second, et que ce résultat se confirme pour les deux pays. Cette étude prolonge et approfondit celle d'Amossé et Wolff (2008).

 

 

 

 



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