Négocier le travail des gardiens et conservateurs de musées (France -Angleterre, 1946-1979)
Odile Join-Lambert  1, *@  
1 : Laboratoire Professions, Institutions, Temporalités  (Laboratoire Printemps)  -  Site web
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), CNRS : UMR8085
47 Boulevard Vauban 78047 Guyancourt Cedex -  France
* : Auteur correspondant

Afin de rendre compte de la façon dont le travail dans les musées s'est construit en France et en Angleterre, nous proposons de restituer la façon dont les individus et les groupes tentent, dans une période de développement des publics des musées et des emplois, de faire évoluer leur travail au niveau local (arrangements locaux, pressions avec les politiques), mais aussi au niveau national (organisation du travail dans les musées dans les deux pays) et au niveau transnational (le conseil international des musées jouant un rôle important dans la définition du travail dans les musées) entre 1946 et 1979. Nous analyse les cloisonnements liés aux filières de métiers, au statut, au niveau hiérarchique ou au sexe dans les deux pays, en étudiant conjointement deux groupes socio-professionnels opposés du point de vue hiérarchique tels que les gardiens et les conservateurs de musées, dans le cadre d'une perspective relationnelle entre deux groupes, gardiens et conservateurs.

 

Le travail des gardiens et des conservateurs s'inscrit en principe à partir de 1946 dans les deux pays dans une division internationale du travail différente. D'une part, en Angleterre, les musées et leur gestion appartiennent au domaine privé et les associations jouent un rôle important. L'emploi culturel dépend majoritairement des collectivités locales. Les services des musées doivent attirer les audiences, se trouvant en concurrence avec des organisations publiques ou privées. En France, les musées, réorganisés par une loi de 1946, ainsi qu'en principe par la réorganisation d'ensemble du statut général des fonctionnaires, relèvent d'une conception publique de la politique d'offre culturelle. Toutefois les collectivités territoriales se sont misent progressivement à gérer et employer la majeure partie des musées et de leur personnels, avec la création de la filière culturelle au sein de la fonction publique territoriale. D'autre part, alors qu'en France la distinction entre ces deux pôles hiérarchiques du musée - gardiens et conservateurs - est particulièrement marquée, l'Angleterre pratique moins cette distinction entre les conservateurs et les autres professionnels du musée.

 

Au-delà de ces oppositions de principe, le travail dans les musées est confronté dans les deux pays à des intérêts souvent divergents entre les acteurs du monde de l'art (artistes, conservateurs de musées, directeurs de musées privés ou publics) et les acteurs politiques locaux, dont le poids respectif est profondément évolutif selon les périodes. La capacité des conservateurs et gardiens, en fonction de la taille des musées, à négocier leur travail en entretenant des relations avec les représentants des tutelles locales diffère dans les deux pays. Tout comme diffère l'écho des mobilisations des gardiens de musées pour obtenir une formation à l'information des publics sur les oeuvres et à peser sur les décisions des conservateurs.

 

Les négociations du travail dans les musées nous offrent ainsi l'occasion de nuancer l'image d'un Conseil des arts érigé en rempart contre les incursions de l'État en Angleterre, opposé à un ministère de la Culture français centralisé, et de nuancer ce que fut le travail public à la française, avant le tournant managérial des musées.



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