Les maîtres artisans de Marrakech et la formation des compétences de leurs ouvriers : comment se négocie le travail et ses conditions d'exercice ?
Mohamed Jallal El Adnani  1, 2  
1 : Université Sultan Moulay Slimane,Faculté Polydisciplinaire  -  Site web
Mghila, Béni-Mellal, B.P. 592 -  Maroc
2 : Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Sciences et Techniques (LIRST)
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Au Maroc, le paysage de la formation professionnelle se caractérise par la présence de plusieurs modalités de formation, publique et privée, de type résidentiel (en centre de formation), par alternance et par apprentissage ; elles sont le plus souvent en concurrence, parfois aussi en complémentarité avec le traditionnel apprentissage sur le tas. Potentiellement, ces modalités de formation produisent des qualifications et des compétences relevant de différentes logiques et légitimités sur le marché du travail. La formation professionnelle en centre de formation public relève plutôt d'une logique industrielle tandis que la formation professionnelle privée, coûteuse pour les familles, introduit une logique marchande. L'apprentissage sur le tas, très présent dans les entreprises artisanales, est évidemment porteuse d'une logique domestique. L'introduction de la formation par alternance ou par apprentissage « organisé » (une formule qui s'apparente à l'apprentissage qui prévaut en Europe) constitue une sorte de compromis entre ces diverses logiques qui vise une professionnalisation des métiers.

Face à ces différentes offres de compétences (potentielles), se trouvent des patrons qui présentent, eux-aussi, différents profils de compétences au travail et entrepreneuriales. Dès lors, se pose la question de savoir qui recrute qui, autrement dit, comment s'apparient les profils des maîtres artisans avec ceux des (apprentis) ouvriers et au-delà, comment se construisent et se négocient, souvent informellement, le contenu du travail et ses conditions d'exercice ? En la matière, il est difficile de dissocier les négociations et les arrangements interindividuels sur les conditions de travail et celles et ceux qui concernent le contrat de travail (souvent verbal) et, plus largement, les conditions d'emploi. On s'intéressera aussi aux modalités par lesquelles est éventuellement garanti le respect du droit de travail, dans un secteur marqué par l'héritage du passé ; autrement dit, comment se composent les interventions respectives de l'inspection du travail et des institutions sociopolitiques traditionnelles (Lamine, Mohtassib) pour traiter des différents types de conflits relatifs au travail (conditions, santé etc.) dans l'espace professionnel que constituent dans la ville de Marrakech les métiers de l'habillement et de la coiffure.

Pour cette contribution, nous nous appuierons sur une enquête qui a permis de disposer d'une centaine de couples de maîtres artisans et d'ouvriers ayant fait l'objet d'un questionnement approfondi pour cerner, dans leur diversité, les logiques d'action qui façonnent les pratiques et les comportements au travail des deux protagonistes de la relation salariale.



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