Développer l'action syndicale à l'ombre du dialogue social : les relations professionnelles dans les secteurs du travail non qualifié
Charles Berthonneau  1, *@  
1 : Laboratoire d'économie et de sociologie du travail  (LEST)  -  Site web
Aix Marseille Université, CNRS : UMR7317
35 Avenue Jules Ferry - 13626 Aix en Provence cedex 1 -  France
* : Auteur correspondant

Les travaux sur les reconfigurations du dialogue social en entreprise laissent de côté un champ conséquent du marché de l'emploi privé, celui des services peu ou non qualifiés (nettoyage, commerce, services à la personne etc). Malgré la diversité des situations socio-professionnelles que peuvent recouvrir ces secteurs, ils ont en commun de reposer essentiellement sur l'exécution de tâches simples et répétitives dans lesquelles les salariés disposent de peu d'autonomie et sont fortement dépendants de la hiérarchie1. En plus d'être assignés à un travail usant et mal rémunéré, les salariés y sont aussi plus affectés par les différentes formes de précarité, que ce soit en termes d'emploi (intérim, contrat à temps partiel etc) ou des droits sociaux (absence d'institutions représentatives du personnel). Par conséquent, les employeurs disposent d'une large marge de manœuvre pour imposer un management autoritaire hostile à la consolidation d'une représentation syndicale dans l'établissement.

Malgré des conditions défavorables, ces univers socio-professionnels ne sont pas des « déserts syndicaux », comme en attestent les travaux récents en sociologie des mobilisations qui se sont attachés à comprendre les conditions d'émergence de conflits collectifs dans des secteurs comme la grande distribution3 ou les services à la personne4. Mais au-delà de ces rares « moments chauds » d'expression de la conflictualité, notre contribution se propose plutôt d'analyser les difficultés que rencontre l'activité syndicale pour imposer un cadre de relations professionnelles favorable à l'expression des salariés sur les questions relatives au contenu du travail. Pour cela, nous mobiliserons le matériel d'enquête récolté dans le cadre de notre travail de doctorat sur les formes d'engagement syndical à la CGT dans les secteurs du travail non qualifié. Ce matériel est constitué d'entretiens semi-directif avec des salariés, et de l'observation du travail syndical réalisé en direction de ces secteurs au sein des Union locales de la CGT (structures chargées de coordonnées l'activité syndicale au niveau interprofessionnel, à l'échelle d'un territoire).

Nous montrerons qu'en raison des faibles ressources militantes sur lesquelles peuvent compter les représentants syndicaux (peu d'heures de délégations, éloignement des centres de décisions stratégiques de l'entreprise, précarité des collectifs de travail, isolement organisationnel, faible niveau de capital scolaire etc), ceux-ci se retrouvent démunis des moyens pour véritablement contraindre la direction dans le jeu des relations professionnelles. Dans le cadre de ces rapports particulièrement inégalitaires, on observe alors que l'activité syndicale se construit non pas tant à partir de négociations formalisées sur le contenu du travail, mais plutôt de par sa capacité à peser sur ses conditions d'exercice et son évaluation, à travers notamment la question des relations avec l'encadrement et la volonté de protéger les salariés face aux différentes formes d'abus patronaux (sanctions ou licenciements abusifs, heures non payées etc).



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