Sous-traitance, un droit clandestin à négocier le travail. Etude de cas dans le travail aéroportuaire
Louis-Marie Barnier  1, *@  
1 : Chercheur associé CRESPPA-GTM  -  Site web
CNRS : UMR7217, Université Paris VIII Vincennes-Saint Denis, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
* : Auteur correspondant

La négociation du travail doit-elle s'envisager de façon équivalente quels que soient les statuts des salariés ? C'est sous l'angle de la prévention des risques que nous voudrions envisager cette question, et notamment concernant des secteurs sous-traitants de l'aéroport de Roissy, qui représentent environ la moitié des 100 000 salariés de cette plate-forme. Une étude publiée par la CRAMIF (2012) fait état d'un fort taux d'accidents du travail dans de tels secteurs (nettoyage, sûreté aéroportuaire, manutention en piste), en décalage avec les taux affichés par les grands donneurs d'ordre (gestionnaire d'aéroport, compagnies aériennes).

L'approche du travail de prévention (Mias 2013) met en évidence l'importance des normes de travail, qui cristallisent l'expérience professionnelle et la connaissance scientifique des risques professionnels. L'appropriation collective des normes par les acteurs peut passer par leur transgression gérée par le collectif de travail (Girin et Grosjean 1996). La santé au travail peut alors s'envisager comme la capacité des individus – et des collectifs de travail – à négocier les normes (Canguillem 1966).

Les normes de travail se répartissent entre normes réglementaires, normes professionnelles et normes hiérarchiques. La sous-traitance contribue à la distribution des situations de non respect des normes réglementaires de travail (Jounin 2007). Les normes professionnelles subissent l'éclatement des collectifs de production par la sous-traitance. Reste donc la place prépondérante donnée à la norme hiérarchique, directe par les employeurs ou indirecte par les donneurs d'ordre. Celles-ci sont renforcées par un encadrement temporel du travail, temps imparti à la palpation d'un passager ou la fouille d'un bagage aux postes de sûreté.

La sous-traitance, qui revient à sous-traiter des activités à risques (Thébaud-Mony 2007), n'aggrave-t-elle pas ces risques par l'impossibilité des acteurs concernés (entreprises de sous-traitance, salariés et CHSCT de ces entreprises, médecins du travail de ces entreprises) à peser sur l'organisation du travail ? Les CHSCT de ces entreprises sous-traitantes sont-ils en mesure de se poser comme interlocuteurs et les salariés de ces entreprises peuvent-ils user de leur droit de retrait ? Cette incapacité institutionnelle à négocier les normes de travail peut-elle être mise en relation avec la composition sociale des salariés de ces secteurs, majoritairement immigrés ou issus de l'immigration ? Mais les marges de manœuvre des salariés de ces entreprises ne sont-elles pas dépendantes des marges de manœuvre des entreprises sous-traitantes elles-mêmes ?

L'étude présentée ici s'appuiera sur une étude du travail de la sûreté aéroportuaire à partir d'une série d'entretiens menés avec ces salariés et des acteurs de la santé au travail, en ne se privant pas de faire appel au résultat d'autres études déjà menées sur le travail aéroportuaire.



  • Autre
Personnes connectées : 1